Le Management Responsable
jeudi 24 septembre 2020
Le management responsable ambitionne d’associer la performance sociale et économique de l’entreprise en prenant en compte les aspirations de l’ensemble des parties prenantes selon des dimensions relatives à la RSE et au développement durable en général.
Il s’appuie sur le numérique et sur de nouvelles aspirations citoyennes qui reconnaissent aux facultés humaines une valeur ajoutée décisive à l’heure du digital.
Source d’innovation, de puissance collective, d’agilité, d’efficience, il présente un atout stratégique majeur et incitatif s’il est sincèrement déployé.
A l’origine, l’émergence de multiples enjeux et la révolution numérique
Au début des années 2000, la 3ème révolution industrielle, celle de la révolution digitale, est apparue, suivie maintenant par la 4ème révolution, celle de l’usine du futur, ou usine 4.0.
La révolution digitale a changé notre relation au savoir et notre rapport au temps et à l’espace, désormais fortement contractés : grâce aux outils de connexion, à toute heure, nous pouvons accéder à l’information et communiquer, quelle que soit la distance avec notre interlocuteur.
Les dimensions climatiques, politiques, économiques, sociales1 sont fortement impactées par cette révolution numérique dont les conséquences sont nombreuses :
- l’émergence dans la société civile de préoccupations plus systémiques et d’une vision plus holistique de notre monde.
L’élévation des exigences, en termes de responsabilité et de durabilité, et la multiplication des engagements collectifs sociaux ou environnementaux en sont une parfaite illustration. - la transformation de la plupart des métiers et des modes de production, ainsi que le caractère très novateur des aspirations propres aux nouvelles générations Y et Z qui souhaitent une vie plus équilibrée entre les domaines professionnel et personnel.
Le monde de l’entreprise en est radicalement modifié, avec le changement de la valeur travail, les profondes mutations des modes de collaboration et du schéma organisationnel du travail, les évolutions dans les relations humaines au travail…Des bouleversements accélérés qui poussent à inventer de nouveaux modes de management de type plus collaboratif et moins hiérarchique.
Attentes des parties prenantes
En effet, les pratiques managériales classiques ne sont plus suffisantes pour répondre aux préoccupations et aux attentes nouvelles des parties prenantes internes et externes à l’entreprise. Fortes de la profonde transformation de leurs systèmes de valeurs les parties prenantes exigent que soit dépassée la seule recherche du profit et de la rentabilité pour concilier performances économiques et performances sociales, en intégrant les objectifs du développement durable et les valeurs de la RSE.
La plus revendiquée de ces attentes est la recherche de sens dans le travail. Les jeunes
diplômés de grandes écoles et les jeunes cadres en ont même fait un critère de choix essentiel
pour postuler un emploi dans une entreprise engagée en adéquation avec leurs valeurs.
Au point que le rapport de force entre recruteur et candidat s’équilibre progressivement et est amené à devenir un véritable enjeu pour le recrutement dans les années à venir. [1]
Autre aspiration forte : l’autonomie, étroitement liée à la quête de sens, et qui vient avec elle bousculer les modèles managériaux qui persistent dans leur rigidité.
C’est l’augmentation continue du niveau de formation des équipes et l’arrivée des générations Y et Z, collaborateurs hyper-formés, qui a donné naissance à ces attentes.
L’hyper formation et l’hyper connexion de ces jeunes collaborateurs ont aussi suscité chez eux le besoin de plus en plus pressant de travailler dans une équipe, à la fois soudée et paritaire, du fait de l’attachement qu’ils portent à leur groupe de pairs. Ou encore le souhait d’équilibrer leur temps de vie professionnelle vet vie personnelle en recourant au télétravail ou au flex- office.
Implications dans la transition managériale et bénéfices pour l’entreprise
Pour répondre à ces aspirations multidimensionnelles, les entreprises sont désormais obligées de se démarquer du modèle existant pour innover dans un management qui concilie effectivement les intérêts de l’entreprise avec les intérêts propres à toutes les parties prenantes de l’organisation. Il s’agit du management responsable, qui offre une opportunité stratégique formidable notamment pour diminuer les risques socio-organisationnels, accroître la performance et l’efficacité des collaborateurs qui accroissent l’agilité et la pérennité des entreprises.
Décidée par la Direction, cette transformation managériale consiste à convertir le management axé sur l’obéissance et la discipline en leadership éclairé, fondé sur la conviction, la co- construction et le partage d’une raison d’être ensemble.
Une telle refonte de la culture managériale se déploie sur deux axes : d’une part les acteurs d’impulsion (Responsable Développement Durable, Responsable RSE ou Direction de la Communication) missionnés pour promouvoir les projets de l’entreprise, auprès des parties prenantes externes en particulier, afin de conforter l’acceptabilité sociale de ses projets et de fortifier son ancrage territorial.
D’autre part les managers de proximité, qui la mettent en œuvre en interne en fédérant leurs équipes autour de la vision stratégique établie.
Un leader inspirant et éclairé sait faire partager cette vision stratégique. En la combinant à un climat de travail émotionnellement positif, il réussit à donner un sens aux missions de chacun, à fixer le cap à suivre, à susciter le sentiment d’être responsable de ses actes et d’avoir un véritable rôle au travers duquel se réaliser. En somme il réussit à faire preuve de compétences relationnelles et d’intelligence émotionnelle, et à pratiquer un style managérial transversal et participatif.
Il parvient donc à satisfaire les besoins d’autonomie, de reconnaissance et d’appartenance des co-équipiers, et par conséquent à renforcer leur épanouissement, leur Qualité de vie au Travail (QVT).
La libération et l’optimisation des talents en sont encouragées, tandis que l’engagement, l’innovation, la créativité, l’adaptabilité, le partage ou encore la coopération des collaborateurs sont dynamisés.
Ce climat émotionnellement positif favorise l’élévation du niveau de maturité des équipes et la bienveillance entre équipiers. Tout comme il révèle leur puissance collective, rendue d’autant plus forte qu’elle rassemble des collaborateurs d’origines diverses selon des principes de parité, de diversité, d’interculturalité, d’intergénérationnalité ou d’inclusion.
Le recours à des outils de communication de proximité vient compléter tous les apports positifs du management responsable déjà cités : il facilite en effet la circulation bi-directionnelle de l’information, sert la richesse et la qualité des relations interpersonnelles, assouplit les liens hiérarchiques et fonctionnels, notamment.
Quant à la formation responsable des collaborateurs, d’importance stratégique, elle est tenue de garantir une gestion pro-active des carrières.
C’est la mission de la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC), qui établit un plan de carrière en collaboration avec le salarié. Elle doit permettre l’adaptation rapide des ressources humaines aux continuelles évolutions des environnements économique, technologique, social et juridique de l’entreprise.
Ceci implique de mener une prospection innovante des formations et d’assurer une formation continue à chaque collaborateur. Les moyens de monter en compétences, de transmettre et capitaliser ses connaissances doivent être donnés à chaque opérateur pour lui permettre à la fois de déployer sa polyvalence, sa poly-compétence, et d’accroître son employabilité.
Agilité, compétences relationnelles, coopération, innovation, partage de savoirs et de connaissances, autonomie, responsabilisation, apprenance, engagement, bienveillance…
Ces compétences individuelles et collectives, qui sont recherchées, encouragées, et même révélées par le management responsable, sont vectrices, chez les collaborateurs, d’efficacité augmentée, de performances individuelles et collectives décuplées, au bénéfice de l’entreprise.
A court terme ces compétences comportementales, relationnelles, sociales s’avèreront tout aussi déterminantes dans la réussite de la transformation vers l’usine 4.0, cette usine du futur qui a pour ambition de devenir plus intelligente en recourant à l’internet des objets et aux systèmes cyber-physiques.
Dans cette structure le déploiement des nouvelles technologies numériques inhérentes à l’usine 4.0. va s’intensifier et ne manquera pas de modifier profondément la nature et l’organisation du travail des salariés.
D’une part, la nature du travail : il sera en effet fondé sur de réelles interactions et relations de coopération avec les machines du futur. Des cobots, des exosquelettes qui soulageront les opérateurs des tâches répétitives, leur permettant ainsi de rediriger leurs intelligences individuelles et collectives pour s’impliquer dans des missions nécessitant davantage de compétences, comme l’anticipation, la gestion/ résolution de problèmes imprévus, la gestion de la complexité et de la diversité, la contribution à la prise de décision…
Un ensemble de compétences sociales propres à l’Humain, qui lui permettent de mieux exploiter ses compétences académiques (hard skills), et le préserveront de la domination par l’intelligence artificielle.
D’autre part, et la crise sanitaire que le monde traverse ne manque pas de nous le rappeler, la
révolution technologique transforme inévitablement l’organisation du travail. Que cette
réorganisation du travail prenne la forme de télétravail ou d’une collaboration à distance entre les différents sites de l’usine 4.0., le management responsable se devra de relever des défis de taille, malgré la distance, et bien que certains équipiers soient des machines du futur, dites machines intelligentes : défi de maintenir une cohésion d’équipe et une intelligence collective, mais aussi défi de préserver la fluidité et la richesse de la communication, ou encore de rester un leader de proximité inspirant qui sache soutenir et accroître la motivation, porter et faire partager la vision stratégique de l’entreprise. [2]
Tous ces champs d’application et dimensions stratégiques démontrent une fois de plus le caractère essentiel et bénéfique du management responsable : parce qu’il est un puissant vecteur de bonne qualité de vie et de bien-être au travail, il favorise l’engagement, les performances individuelles et collectives, la qualité de la communication, la flexibilité, l’adhésion des collaborateurs à la stratégie de l’entreprise, ou encore leur efficacité.
En revanche, si les conditions essentielles au bien-être des salariés sont altérées, alors le mal- être se développe, se répercute dangereusement sur la productivité et altère les performances financières de l’entreprise. Il peut d’une part se décliner en désengagement, non-disponibilité, chute de compétitivité, erreurs, malfaçons et gaspillages, montée des risques psychosociaux, absentéisme, turnover…
D’autre part il représente des coûts exorbitants de 14.580 € en moyenne par an et par salarié
en 2019, soit environ 265 milliards d’€ pour les 18,3 millions de salariés du privé, ou 9,5% du
PIB français.
Ces coûts sont certes colossaux mais maîtrisables pour 63% d’entre eux si l’entreprise
s’engage dans une réelle politique « qualité de vie au travail » en adoptant un management
responsable efficace. [3]
Ces données, révélées par les travaux qu’ont conjointement menés le Groupe Apicil et le Cabinet Mozart Consulting, confirment combien la QVT constitue un levier majeur de performances sociales et financières des entreprises.
Autres avantages attribuables au management responsable et à la QVT : tout d’abord la valorisation de la marque employeur de l’entreprise et de son attractivité, avec pour corollaire la fidélisation des collaborateurs, la réduction des risques de désengagement, la limitation du turn-over et des difficultés de recrutement. [4]
Ensuite, la consolidation de sa réputation, intimement liée à la perception de son utilité par les consommateurs.
A ce propos, une étude, réalisée en 2018 par l’IFOP pour Terre de Sienne, indique que 60% des Français jugent que l’entreprise est un véritable recours pour la société au service de l’intérêt général, et donc qu’elle est utile.
Pour bénéficier de cette perception positive il lui faut en premier lieu créer des emplois (84%), contribuer au lien social (40%), et faire progresser la recherche et l’innovation (35%)
contribuer au lien social (40%), et faire progresser la recherche et l’innovation (35%). [5]
Or plus l’entreprise est perçue comme utile, meilleure est sa réputation. Et plus sa réputation est élevée, plus les attitudes positives des parties prenantes envers l’organisation s’amplifient, plus le taux de fidélité se renforce et plus les performances globales de l’entreprise s’accroissent (hausse des KPI dans les secteurs financiers et économiques, sociaux, environnementaux).
Une tendance confirmée par le fait que 72% des français disent soutenir et recommander les entreprises qui se préoccupent des problèmes sociétaux et contribuent à les résoudre.
C’est pourquoi l’organisation a un intérêt stratégique à définir précisément sa raison d’être, composante décisive dans la valorisation de son capital réputation, et préconisée par la loi Pacte.[6]
Si l’enjeu est de taille compte tenu de la corrélation positive entre le niveau de réputation d’une entreprise et son niveau de performance globale, il y a toutefois encore loin de la coupe aux lèvres : en effet, bien qu’ils connaissent les bénéfices indéniables d’un management responsable authentique et sincère, les entrepreneurs ont encore du mal à convertir leurs convictions en actes.
Prenons l’exemple de 3 critères de management responsable qui démontrent de conséquentes différences d’appréciation ou de perception entre managers et collaborateurs :
- l’innovation : si 92% des managers disent l’encourager, seuls 58% de leurs collaborateurs en attestent.
- l’engagement et l’autonomie : 71% des collaborateurs annoncent bénéficier d’autonomie alors que 91% des managers disent porter une grande attention à cette dimension du management responsable.
- la qualité de vie au travail : 88% des managers affirment parvenir à concilier la performance et le bien-être de l’équipe, tandis que seuls 49% des collaborateurs partagent cet avis.
Des statistiques qui révèlent une marge de progrès considérable pour rapprocher niveaux de convictions et niveaux de pratiques [1].
Pour autant de réelles avancées sont tout à fait réalisables puisque managers et collaborateurs s’accordent à reconnaitre unanimement le réel bien-fondé du management responsable pour dynamiser les performances la fois sociales et économiques de l’entreprise.
Or l’intelligence collective, incontournable outil du management responsable, a la faculté de générer une dynamique de croissance sociale majeure dans l’entreprise.
Néanmoins seulement 21% des français considèrent que c’est dans l’entreprise que l’intelligence collective est la plus efficace, contre 45% pour le monde associatif [1].
En conséquence son intensification constituerait certainement un acte managérial puissant, amplificateur de progrès sociaux et donc réducteur d’écarts entre déclarations et pratiques.
Autant de constats qui montrent combien fonder sa stratégie sur la combinaison entre management responsable, éthique financière et environnementale, présente un avantage compétitif capital pour l’entreprise que les parties prenantes ne manqueront pas de plébisciter, elles qui attendent des organisations qu’elles produisent certes de la valeur mais aussi du bien- vivre pour tous.
Fort opportunément, l’adhésion d’écoles supérieures de Management aux « Principles for Responsible Management Education » (PRME) [2], programme soutenu par les Nations Unies et promouvant l’enseignement du management social aux futurs managers et dirigeants, laisse espérer un bel avenir pour le management responsable !
[1] Pour un Réveil Écologique (2018), URL : https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/
Manifeste étudiant signé par plus de 30.000 étudiants de l’enseignement supérieur depuis son lancement en 2018
[2] Alliance Industrie du futur : Guide des technologies de l’industrie du futur – Enjeux et panorama des solutions (édition mars 2018), URL : http://www.industrie-dufutur.org/content/uploads/2018/03/Guide-des- Technologies_2018_V3.pdf
[3] Cabinet Mozart Consulting et Groupe Apicil (2019), IBET – Désengagement des salariés : un coût de 14580€/an/salarié, URL : https://www.groupe-apicil.com/newsroom/presse/desengagement-des-salaries
[4] L’Usine Nouvelle (12/01/2107), Un job ? Oui, mais avec du plaisir et du sens, s’il vous plaît, URL : https://www.usinenouvelle.com/article/un-job-oui-mais-avec-du-plaisir-et-du-sens-s-il-vous-plait.N485099
[5] IFOP et Terre de Sienne (juillet 2016), Et si les entreprises devenaient d’utilité publique ? URL : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3488-1-annexe_file.pdf
[6] Loi PACTE : Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise, promulguée le 22 mai 2019
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